Bertrand Saint Georges Chaumet

Poème de
Bertrand Saint Georges Chaumet

Ce monde ancien

On dit que je divague ?
Eh bien oui, j'extravague !
J'aime ce qui est fou,
Et tout ce qui échoue,
Vraiment, me plaît assez,
Lorsque c'est insensé !

Ce monde prend de l'âge,
Il est devenu sage.
Ils ont peur, tous ces gens,
De perdre leur argent,
Peur du froid, de la guerre,
Du bruit, des courants d'air,
De la hausse, et du fisc.
En un mot, peur du risque !

Ont-ils donc oublié ?
Moi, mes rêves d'enfant
Me faisaient chevalier
Ou chasseur d'éléphants !

On n'avait pas cet air
Enlaidi par la trouille,
Au temps des mousquetaires !
On se moquait des brouilles,
De la mort et des coups.
On se moquait de tout,
Excepté du bon vin,
De l'honneur et des femmes !
On n'était pas infâme,
Et l'argent était vain.

On aimait autrefois
Ce que l'on fait parfois
Pour la beauté du geste
Et le goût du panache,
Sans qu'un calcul grotesque
Le souille d'une tache.

Jadis, on savait faire
Des choses folles exprès,
Et mourir sur un pré
N'était pas une affaire,
Pour l'amour d'une femme
Ou l'honneur d'une dame.

Pourtant, on savait bien
Que ça n'y changeait rien.
On mourait en artiste,
Avec le cœur en fête.

Notre monde est plus triste
Et la preuve en est faite :
Aujourd'hui, un cocu,
Serait-il convaincu
De sa triste infortune,
N'en est du tout marri,
La trouvant opportune
Pour s'en faire un ami !