Bertrand Saint Georges Chaumet

Poème de
Bertrand Saint Georges Chaumet

Coup de foudre

C'est souvent un regard, un sourire toujours,
Qui brise le silence où sommeillait notre âme ;
Une note appuyée au milieu de la gamme,
Une ride sur l'eau monotone des jours.

Jaillissant de la braise endormie sous la cendre,
Une brève étincelle alors réveille l'âtre.
Eteint depuis longtemps, le feu se met à prendre,
Le bois craque soudain, le cœur se met à battre.

Et puis c'est un refrain qu'on ressasse sans trêve ;
Une flamme allumée qui danse dans nos nuits
La douce mélopée de l'attente et du rêve,
Et toute autre chanson désormais nous ennuie !

L'occasion se présente enfin de se revoir,
Chez des amis communs qu'on ne reconnaît pas.
Une seule personne est présente ce soir,
Près de qui l'on s'assoit à la fin du repas.

On se croit seul alors, ainsi qu'en plein désert ;
Chacun se désaltère au regard de l'autre,
Et si l'on parle peu, c'est qu'on n'est pas disert
Quand on rêve déjà d'un corps contre le vôtre.

La caresse des doigts sur la main qui s'égare
Avoue que l'on consent, qu'on accepte avant l'heure
La victoire de l'autre et ce goût du bonheur
Auquel depuis longtemps chacun d'eux se prépare.

Aux quatre coins du lit où aboutit le rêve,
L'océan du désir a noyé la pudeur ;
Et les deux naufragés au bord de cette grève,
Se saoulent de frissons, de caresses et d'odeurs.

Et puis la mélodie soudain devient fanfare,
La houle se fait vague et la vague tempête ;
La tendre promenade en chevauchée se pare
Et le chant du plaisir en écho se répète !

De la nuque aux mollets, leur corps est une voile
Qui vibre sous le vent de tous les paradis.
Ils approchent bientôt d'un domaine interdit
Où leur bateau, stoppé à la fin de sa course
Dans l'éblouissement d'une ultime secousse,
Leur fait don d'un soleil empanaché d'étoiles.