Bertrand Saint Georges Chaumet

Poème de
Bertrand Saint Georges Chaumet

Dernières vendanges

Comme marée montante au matin de l'hiver,
A nouveau, je ressens la faim de ma jeunesse !
Mon rafiot est mouillé mais chargé de promesses,
Et mon herbe fanée, pleine de primevères.

A la vue d'une fille aux rondeurs attendues,
Ce battement de cœur qui chante dans mes veines
Et ravive mon goût des amours défendues,
Est-il tromperie, et ma quête est-elle vaine ?

Pourtant le rêve est beau des îles sous le vent,
Du désir qui souffle aux voiles du bateau,
Et le parfum des fleurs, tellement émouvant,
Quand on vogue et l'on cueille, avant le mémento !

Pour le peu qui me reste, aurai-je cette audace
Des condamnés qui partent faire le tour du monde ?
Tant que le sablier n'a pas rempli ma tasse,
Il est temps de revoir ma copie des girondes !

Vous qui aimez le vin, les caresses et la sonde
Qui du creux de vos reins fait jaillir le soleil,
Si vous êtes jolie, ne soyez pudibonde
Et venez cette nuit, car je n'ai plus sommeil.

Je me rappelle assez mes anciennes conquêtes
Pour deviner comment remplir votre corbeille,
En étonnant le corps aussi bien que la tête
Et distiller l'instant dont l'autre s'émerveille.

Si vous me préférez, en goûtant à ma treille,
Aux jeunes béotiens qui de bien peu s'arrangent,
Alors j'aurai trouvé, avant le grand sommeil,
La compagne attendue des dernières vendanges.