Bertrand Saint Georges Chaumet

Poème de
Bertrand Saint Georges Chaumet

L'île

Quand tu es loin de moi, que de faim je succombe,
Je vois cette île offerte à tous mes appétits ;
Cette plage nacrée où dorment des colombes
Et cette baie ouverte, où mon songe aboutit !

Lorsque tu me manques, j'aborde cette grève
Et la claire calanque où se niche la source
Où s'étanche la soif et s'apaise le rêve
Du pauvre naufragé à la fin de sa course.

Sur cette île on peut voir, lorsque le vent la trousse,
Tous les fruits défendus, les pommes, et l'orange
Sous la sombre toison où rutile la gousse
Et le puits où se boit le vin de la vendange.

A l'envers de la baie, toute une croupe blonde
Se lève et s'arrondit en dunes régulières
D'où descend le tracé, pavé de pierres rondes,
Qui mène à la forêt aux mèches de lumière.

Et ces dunes dorées frémissent et ondoient
Aux caresses du vent qui creuse leur sillon ;
Et un doux renflement se durcit chaque fois
Que butine sa fleur un tendre papillon.

On y pêche là-bas la belle carpe vive
Qui suffoque et se cambre en larges soubresauts,
Avant que le pêcheur la plonge dans son seau
Pour ranimer l'ardeur de la belle captive.

Me voilà gambergeant, tout seul, à cette pêche !
Mais si mon seau est plein, ma belle île est lointaine.
Il faut, pour t'y revoir, qu'enfin je me dépêche
Car si tu n'es pas là, ma quête reste vaine.

D'ici là, rejoins-tu mes folles équipées ?
Rêves-tu, comme moi, vendanges et ripailles,
Afin que d'un festin, si souvent évoqué,
Nous fêtions dignement enfin nos retrouvailles.