Poème de
Bertrand Saint Georges Chaumet
Les passantes
J'aime bien observer ces belles qui musardent
En passant devant nous sans paraître nous voir,
Mais qui du coin de l'œil s'assurent qu'on les regarde,
Certaines qu'elles sont de leur charmant pouvoir.
Dans l'odeur du printemps parfumé de soleil
Où chaque instant du jour est un cadeau des dieux,
La terrasse d'un bar est l'endroit sans pareil
Pour petit-déjeuner et se remplir les yeux ;
Et l'élégant ballet des jolies demoiselles
M'entraîne au paradis des rêveries galantes.
On devine aisément que ne sont plus pucelles
Celles dont la démarche est un rien insolente
Et promène l'espoir de rencontres nouvelles ;
Chacune d'elles alors me raconte une histoire,
Suivant ce que l'allure ou sa mise révèle.
Ainsi la décoiffée sortant de son boudoir
Où un habile amant lui a rendu hommage,
De son pas chaloupé chante sa bonne humeur.
Ne pas en profiter, pensant que c'est dommage,
Je me prends à rêver que c'est moi le charmeur
Qui a de cette belle allumé l'incendie,
Quand à son rendez-vous elle alla tout à l'heure
Avec son appétit de plaisirs interdits.
Alors je vole au temps un instant de bonheur :
Sous sa robe envolée où mes mains s'intéressent,
J'imagine la plage ouverte entre ses hanches
Où ma houle déferle en vagues de caresses,
Et les dunes dorées ou ma soif s'étanche.
Ma tasse de café prend le goût de son lait
Et mon tendre croissant l'odeur de son envie.
Cette fille a drogué mon petit-déjeuner
En partageant le rêve où ma faim s'assouvit !
Ces Eves de la rue, en toute impénitence,
Peuplent notre univers de tant de fiancées
Que, j'en fais le pari, honni qui mal y pense,
Le bon Dieu doit sourire en les voyant passer !