Poème de
Bertrand Saint Georges Chaumet
Nouvelle donne
Le temps s'en est allé de mes vertes années !
Chaque robe en passant me racontait un rêve,
Et un joli minois risquait de me damner !
Maintenant mes ardeurs parfois se mettent en grève.
Désormais il me faut quelque chose de plus,
Pour ranimer le feu qui couve sous la cendre ;
Ce n'est pas seulement à la vue de Vénus
Que le doux écureuil ne veut plus redescendre.
Et le lot ravissant qui me tentait d'abord
N'est plus le seul cadeau dont j'ai encore envie
Pour réveiller l'élan qui a bercé ma vie.
Une fille, aujourd'hui, ne me fait pavoiser
Quand elle s'intéresse à l'ancien que je suis
Sans avoir d'autre but que d'être bien baisée :
Je crains de décevoir cette belle de nuit.
En revanche, une femme à qui l'âge a donné
Quelques rides de plus, où l'on se reconnaît,
Et ce sourire du cœur qui porte à l'indulgence,
Cette maîtresse-là, pour moi, c'est une urgence !
Je suis prêt à l'aimer jusqu'à temps que jour vienne,
Car je sais, chaque fois, et toutes s'en souviennent,
De ce fruit recueilli avec de la tendresse
Extraire le plaisir à force de caresses,
Et de ce violon trop souvent négligé
Tirer des cris de joie sans peur de déranger.
Et ce chant de l'amour qui rythme nos ébats,
De la peur de vieillir un moment me délivre.
Car cette nuit volée à la vie d'ici-bas,
Préfigure l'Eden de l'aube qui va suivre !