Bertrand Saint Georges Chaumet

Poème de
Bertrand Saint Georges Chaumet

Vivre

Que ne m'a-t-on laissé
Ignorer mon malheur !
Maintenant que je sais,
M'en vais compter les heures !

Elle gronde à ma porte,
La hyène qui m'attend,
Et le mal que je porte
Me laisse peu de temps.

Alors l'envie m'emporte
De mes fièvres d'hier
Qui trottaient sans l'escorte
De cette cavalière.

Mes matins oubliaient
Que chaque jour s'achève,
Et mes nuits flamboyaient
De soleils qui se lèvent !

Maintenant, chaque soir
Est le bout du chemin,
Et chaque lendemain
Une aube provisoire !

Mon Dieu, rendez-les-moi
Tant que je vis encore,
Ces merveilleux émois
Dont exultait mon corps,

Au coucher d'un soleil,
Au parfum d'une femme,
Au goûter de la treille
Et au frisson des gammes !

Que chacun de mes jours
Aie le goût du bonheur,
En faisant de chaque heure
Un fruit que je savoure !

Que chaque souffle enfin,
Serait-il le dernier,
N'apaise pas ma faim
De vivre émerveillé.